Au 19ème siècle, les Etats-Unis ne possèdent aucun réseau routier digne de ce nom mais un enchevêtrement de pistes et de chemins. Au milieu de ce siècle, près d'une année était nécessaire pour joindre en diligence ou en chariot les deux côtes atlantique et pacifique. Il était alors beaucoup plus efficace de monter à bord d'un clipper pour relier New-York à San Francisco. La révolution créée par l'arrivée de l'automobile et en particulier de la Ford T accessible au plus grand nombre incita le gouvernement fédéral à mettre en œuvre une politique visant à mettre en place un réseau routier. Car si dès 1869, 3 jours étaient nécessaires pour relier en train Chicago à Los Angeles, le trajet en voiture était une véritable aventure qui prenait des semaines. Une route carossable devenait de plus en plus indispensable pour développer le pays. Le projet fut confié à Cyrus Stevens de Tulsa en Oklahoma qui réussit à fédérer 8 états et le tracé fut définitivement adopté en 1925 sous le nom de US Highway 66. En 1926 les premiers 800 Miles étaient pavés, en 1929 l'Illinois et le Kansas avaient terminé le bétonnage, mais il fallut attendre 1937 pour que le ruban de béton de 2448 Miles soit entièrement terminé entre Chicago et Los Angeles.
Cette route 66 reçut différentes appellations : "Main Street of America", "Mother Road", "Will Rogers Highway"...
Au début des années 30, la sécheresse et les tempêtes de sable frappent l'Oklahoma et l'Arizona, le "Dust Bowl", ruinant de nombreux fermiers et les poussant à l'exode vers l'ouest, vers la terre promise, la Californie. 3 millions de réfugiés se retrouvèrent emprunter la route 66, dormant dehors, faisant face à un ravitaillement très difficile. Une épopée magnifiquement racontée par John Steinbeck dans "Les raisins de la colère".
La nationale 66 est la grande route des migrations. 66... le long ruban de ciment qui traverse tout le pays, ondule doucement sur la carte, du Mississipi jusqu'à Backersfield, à travers les terres rouges et les terres grises, serpente dans les montagnes, traverse la ligne de partage des eaux, descend dans le désert terrible et lumineux, d'où il ressort pour de nouveau gravir les montagnes avant de pénétrer dans les riches vallées de la Californie.
La 66 est la route des réfugiés, de ceux qui fuient le sable et les terres réduites, le tonnerre des tracteurs, les propriétés rognées, la lente invasion du désert vers le nord, les tornades qui hurlent à travers le Texas, les inondations qui ne fertilisent pas la terre et détruisent le peu de richesses qu'on y pourrait trouver. C'est tout cela qui fait fuir les gens, et, par le canal des routes adjacentes, les chemins tracés par les charettes et les chemins vicinaux creusés d'ornières les déversent sur la 66. La 66 est la route mère, la route de la fuite.
Sur la 62 : Clarksville, Ozark, Van Buren et Fort Smith, et c'est la fin de l'Arkansas. Et toutes les routes qui mènent à Oklahoma City : la 66 qui descend de Tulsa, la 270, qui monte de Mac-Alester, la 81, de Wichita Falls, au sud, de Enid au nord. Edmond, Mac-Loud, Purcell. La 66 à la sortie de Oklahoma city ; El Reno et Clinton sur la 66, en allant vers l'ouest. Hydro, Elk City et Texola ; et c'est la fin de l'Oklahoma. La 66 traverse l'enclave du Texas. Shamrock, Mac-Lean, Conway et Amarillo la jaune. Wildorado, Vega et Boise, et c'est la fin du Texas. Tucumcari, Santa Rosa et l'arrivée dans les montagnes du New Mexico jusqu'à Albuquerque où aboutit la route qui descend de Santa Fe. Puis la descente du Rio Grande jusqu'à Los Lunas et de nouveau vers l'ouest, sur la 66 jusqu'à Gallup. Et c'est la frontière du New Mexico.
Et maintenant les hautes montagnes. Holbrook, Winslow et Flagstaff sous les hautes cimes de l'Arkansas. Puis le grand plateau qui ondule comme une lame de fond Ashfork et Kingman et de nouveau des montagnes rocheuses où il faut charrier l'eau pour la vendre. Puis, à la sortie des montagnes tourmentées et rongées de soleil de l'Arizona, le Colorado avec les roseaux verts de ses berges. Et c'est la fin de l'Arizona. La Californie est là, juste de l'autre côté du fleuve, et une jolie petite ville pour commencer, Needles, sur le fleuve. Mais le fleuve ne s'y sent pas chez lui. De Needles on gravit une chaîne calcinée et de l'autre côté, c'est le désert. Et la route 66 traverse le désert effroyable où la distance vibre et miroite et où les montagnes sombres hantent insupportablement l'horizon. Enfin on arrive à Barstow, et c'est encore le désert jusqu'à ce qu'enfin les montagnes s'élèvent, les bonnes montagnes, entre lesquelles serpentent la 66. Puis, brusquement, un col, et, tout en bas, la belle vallée, les vergers, les vignobles et les petites maisons et dans le lointain une ville. Oh ! c'est enfin terminé !
Les Raisins de la Colère
Chapitre 12
John Steinbeck 1939
La 66 commence alors à s'équiper et l'inventivité américaine est en effervescence : les premières stations d'essence, les premières stations-services, les premiers motels, les premiers fast food, les premiers drive in, les premiers cafés 24/24, toute l'infrastructure routière aujourd'hui banale fut inventée le long de la 66.
Pendant la guerre la 66 devient l'indispensable voie de transport des troupes qui viennent s'entrainer avec Patton dans les déserts de l'Arizona avant de se retrouver dans le désert Lybien, et du transport d'armes et de matériel de guerre.
Des 1946, les voitures civiles prennent le relais. Une nouvelle vague de migration vers la Californie en plein boom économique est en marche : 8 millions d'Américains se lancent vers l'ouest sur la route 66.
"Get your kicks on route 66" Bobby Troup et Nat King Cole en 1946.
Pendant les années 50 les Américains découvrent les loisirs touristiques et empruntent la 66 pour partir à la découverte des parcs nationaux et des merveilleux paysages le long de son tracé. Le succès est tel que la route est bientôt saturée et devient dangereuse.
Eisenhower, lors de son avancée à travers l'Allemagne en 1945 avait été très impressionné par le réseau d'autoroutes très en avance sur son époque. Après son élection à la présidence des Etats-Unis il lance le programme "Interstate Highway System" et peu à peu la 66 fut doublée par une autoroute plus sûre et plus rapide. Les petites villes disséminées le long de la 66 déclinèrent, certaines devinrent même des villes fantômes.
Au début des années 70, la 66 changea de nature en inspirant le mouvement beatnik, avec camping-cars colorés et fleuris en quête de voyages authentiques, un mouvement en révolte politique et sociale face à ce nouvel ordre mondial incarné par le réseau autoroutier. Des artistes s'installent le long de la Mother Road, des associations se créent pour sa sauvegarde, la première, Route 66 Association of Arizona est mise en place par Angelo Degadillo, le barbier de Seligman, aujourd'hui âgé de 93 ans. Des films de légende voient le jour : "Les raisins de la colère", "Easy rider", "American graffiti", "Bagdad café", "Thelma et Louise", et bien sûr "Cars"
Aujourd'hui chacun des 8 Etats traversés a son association, le président Clinton faisant voter des fonds pour la sauvegarde de la route 66 qui est maintenant classée "Monument Historique national ".
Je vous invite donc à visiter ce SITE (qui n'existe plus mais dont j'ai pu récupéré certaines données et remis en ligne ... manque peut-être qques liens mais l'essentiel est là) où vous trouverez, entres autres renseignements, un super roadbook et une multitude de POI pour un RT "fingers in the nose".
Et si vous avez le temps : ce super SITE fait par un motard qui aborde aussi le sujet de la Route 66 qu'il a parcouru en 2014 et qui fait la promotion du TO retenu à ce jour pour notre RT. Le journal de bord fidèle d'une expérience individuelle